2025 / EPERVIERE

Centre aqualudique de l'Epervière, un équipement bien mal-né

Patrick RANC 2019 MAJ 2025

 

Un centre aqualudique installé sur l’agglomération Valence-Romans ? Pourquoi pas ? Mais ce centre, installé dans le quartier de l’Epervière est bien mal né. De la décision du conseil communautaire à l’emplacement pollué en passant par un financement presque totalement public pour des bénéfices essentiellement privés, cette réalisation n’a pas fini de faire parler d’elle. D’ailleurs le rapport de la Chambre Régionale des Comptes étudiant les exercices 2012 – 2018 n’a fait que nourrir les interrogations de nombreux Valentinois. C’est ce rapport qui nourrit cette synthèse où nous nous intéresserons en quatre épisodes à la prise de décision, le coût pour la collectivité, les tarifs pratiqués et la santé des visiteurs. 

 

13/04/2025 : Episode 1/4

La prise de décision ou, comment le débat démocratique est ignoré

 

Tout d’abord, il convient de remarquer que cet équipement sera construit sur une zone inondable, classée "inconstructible". Le Plan de Prévention des Risques prévoit une zone particulière pour l'établissement, les contraintes de construction en zone inondable doivent être respectées. Ensuite, un point sur le calendrier de la prise de décision par le conseil communautaire, la Communauté d’Agglomération Valence Romans Agglo a approuvé le choix du candidat "Espacéo Valence Romans "comme concessionnaire pour une durée de 25 ans, par une délibération du 7 décembre 2017.
La concession prendra donc fin en 2042 Auparavant, dès février 2016, le président avait lancé un marché de conseil d’assistance à la passation du contrat de concession. Ce marché d’"assistance à la passation d’une concession de service public" pour la somme de 100 000 € est conclu en avril 2016. La conclusion est sans surprise que la meilleure solution est la concession puisque telle était la commande. La commission des services publics rend un avis favorable sur le principe de la concession comme mode de gestion du service public le 17 juin 2016. L’assemblée communautaire approuve ce choix de concession le 30 juin 2016. Mais les éléments fournis aux conseillers communautaires, sont peu précis et ne permettent pas de cerner les enjeux financiers et de gestion du nouvel équipement, qui engagent pourtant la collectivité pour de nombreuses années.

Ne sont pas connus :

  • Le montant estimatif de l’investissement (études et travaux)
  • La durée du contrat (non définie, mais estimée entre 20 et 25 ans)
  • La fréquentation prévisionnelle
  • L'équilibre général du contrat et le coût estimé pour la collectivité
    à court et long terme (sur la durée de la concession).

Aucune étude de faisabilité ou d’étude prévisionnelle de fréquentation n’a été préalablement réalisée par la collectivité. Le calendrier indique sans aucun doute que les décisions engageant la collectivité pour 25 ans ont été prises avant que le conseil communautaire ne se réunisse et ne soit informé des conditions réelles de cette concession.
Et nous verrons ci-après l’importance des informations financières. 

 

20/04/2025 : Episode 2/4

Le financement ou comment engager la collectivité pour 25 ans

 

La construction du centre aquatique se monte à 26 472 000€. Le concessionnaire apporte 400 000€. Oui quatre cent mille euros sur plus de 26 millions de coût total. Il prend à sa charge les risques inhérents à la construction. Valence Romans Agglo débloque une subvention d'équipement de 14 millions d'euros (celle-ci était initialement annoncée à 7 millions.) On pourrait penser que la part versée par Espacéo est de 400 000€ auxquels s'ajoute un emprunt de 12 millions (16,8 millions à rembourser) ce qui ferait une participation importante du concessionnaire. Mais pas du tout, c'est la collectivité qui remboursera la dette du crédit. Au total, l'agglomération et ses habitants paieront 98,5% du coût ! Soit 14 millions et une Contribution Financière d'Investissement de 731 000 euros annuels pendant la durée du contrat soit 16,7 millions. A noter qu'aucune subvention publique extérieure n'est apportée à ce montage. Après les dépenses d'investissement, les dépenses de fonctionnement.

 

Une Contribution Forfaitaire d'Exploitation sera versée par l'agglomération. Elle est fixée à 648 449 € par année (indexée bien sûr), soit pour 23 ans environ 15 millions d'euros, elle couvre les frais pour la natation scolaire, environ 17 000 euros annuels et pour les sujétions de services publics de 631 000€. La contribution de l'agglomération ne dépassera pas 1 379 000€ (indexée) pendant 23 ans cela implique que "si la part Contribution Financière d'Investissement varie à la hausse en raison des conditions définitives de financement du crédit travaux, la part CFE "sujétions de services public" sera diminuée afin de maintenir l’enveloppe globale de contribution forfaitaire annuelle à la somme de 1,379 million d'€. Cela signifie que "l’enveloppe destinée à la couverture des sujétions de service public est surestimée puisque le concessionnaire est disposé à la voir diminuer au cas où les conditions financières obtenues à la date de fixation définitive des taux entraineraient une augmentation de la part CFI prévisionnelle." La durée de la concession 23 ans et 8 mois est bien trop longue selon la Chambre Régionale des Comptes compte tenu de l'apport minime du concessionnaire (400 000€) et semble en contradiction avec le décret du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession. L'intérêt d'une telle durée est très discutable pour la collectivité. Pour résumer en 2 tableaux :

 

 

Il est prévu un reversement d'une partie des bénéfices à l'agglomération s'il y en a. En cas de déficit … On voit clairement que les conditions financières sont très avantageuses pour le concessionnaire, pas pour la collectivité. Nous le verrons encore dans la partie tarifs.

 

27/04/2025 : Episode 3/4

Les tarifs ou l'ivresse des coûts

 

Les tarifs grand public devaient s'aligner sur ceux pratiqués par les gestionnaires du complexe Diabolo selon l'appel d'offre initial, soit 4,70 pour un adulte et 3,80 pour un jeune. Le contrat de concession fait apparaitre des tarifs bien supérieurs et surtout que " seuls les tarifs des entrées grand public "univers aquatique " et les tarifs applicables aux usagers institutionnels sont soumis à l’approbation du concédant". Plus de la moitié des tarifs est au choix du concessionnaire ce qui semble irrégulier car c'est à la collectivité de fixer les tarifs. A noter qu'Espaceo devra s'acquitter d'une redevance d'occupation du domaine public de 2€ le m2, soit 11 000 € annuels, ce qui est" sans lien avec l'économie du contrat". Si l'on se penche sur les tarifs, on constate que les tarifs (MAJ 2025) hiver entrée simple sont de 5,90€ pour les adultes résidant dans l'agglomération et 10,60 € l'été. Pour les enfants, 4,70€ et  7,80€. Ce qui est largement supérieur aux tarifs pratiqués à l'espace Diabolo de Bourg de Péage. A titre d’exemple, une famille avec 2 enfants de 3 à 16 ans qui souhaitera profiter d’une après-midi d’été pour venir se détendre dans ce magnifique équipement devra acquitter un droit d’entrée de 36,80 € [(10,60x2) + (7,80x2)]. Si les enfants veulent utiliser « l’espace glisse » le droit d’entrée pour la famille sera alors de 60,80€  (36,80 + 2x12) Et encore l’utilisation de cet espace glisse est limitée à 30 minutes. Ces tarifs excessifs vont rebuter plus d'une famille. Selon le directeur du centre, 300 000 entrées annuelles sont attendues ce qui signifie une moyenne de 840 entrées par jour. A ces tarifs- là …

 

04/05/2025 : Episode 4/4

L’aspect sanitaire ou l’installation du centre aqualudique dans une zone polluée

 

Si plus de 60 médecins ont jugé bon d’alerter les Valentinois et les pouvoirs publics sur les risques sanitaires dus à l’emplacement du centre aquatique de l’Epervière, c’est bien que la situation de cet équipement pose question. Fréquenter un équipement de loisirs construit à une cinquantaine de mètres de l’autoroute A7 ne peut qu’avoir des répercussions néfastes sur la santé des utilisateurs. L’A7, c’est une moyenne de plus de 70 000 véhicules par jour et bien plus lors des périodes estivales. Il est constaté de "des dépassements fréquents des seuils réglementaires de dioxyde d'azote et de particules fines" (Dr Devis). On sait par ailleurs que le dépassement des seuils tolérables en termes de pollution atmosphérique sont fréquents à Valence (14 jours en 2016) et que la pollution de l’air est un facteur déterminant sur les problèmes respiratoires. Or cet équipement n’a pas fait l’objet d’une démarche d’Evaluation d’Impact sur la Santé (EIS). La proximité de l’A7 rendait cette étude indispensable. Une étude avait été menée sur le parc de l’épervière mais pas sur l’espace aqualudique. Le Conseil Départemental de l'Environnement et des Risques Sanitaires et Technologiques” (CODERST) n’a même pas été réuni. Nous demandons une information aux usagers sur les risques liés à la pollution du site et des propositions pour faire baisser les nuisances de l’A7. On le voit, l’inauguration par le président de l’agglomération d’un équipement de prestige avant les élections est plus importante que la santé des utilisateurs.

Pour conclure, un beau projet entaché de nombreuses approximations et irrégularités qui va s'avérer très coûteux pour la collectivité, les utilisateurs et dangereux pour la santé des visiteurs. Un tel équipement aurait mérité un large débat, argumenté, des études fouillées et un respect scrupuleux des règlements…

 

Mais l'essentiel, pour le maire-président, c'est de pouvoir inaugurer un projet parmi tous ceux promis, et ce, avant les élections de 2020.